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En cet été 1615, Philippe de Hurges a fait un long séjour dans notre ville. Le 31 août, il quitte Liège. Dans les notes de son voyage, il n’est question que de « l’avarice et la dissimulation »des Liégeois, nation colérique, ambitieuse, querelleuse et adonnée à la paillardise ! On comprend donc après ces amabilités, qu’il s’embarque sans regret pour Maestricht. Suivons-le dans son voyage depuis son départ de Liège, son « partement » :

Ayant pris congé de nos amis, nous embarquâmes dans une grande barque. A l’avant et à l’arrière uil y a une cabane qu’on appelle la rouffe ; ces cabanes de planches sont garnies de fenêtres, il y a une table pour les viandes et le jeu. C’est là que prennent place les gens de qualité. Ils paient 6 sols tournois par tête ; au lieu de 4 qu’ils devraient payer. Durant nos guerres avec les Hollandais, il fallut payer des mousquetaires pour se protéger des voleurs et des pillards. Maintenant on ne prend plus cette garde de soldats mais on demande toujours 6 sols !

« Les pauvres se placent entre les deux rouffes et sont à découvert. Nous trouvâmes sur cette barque marchande fort belle compagnie ; il y avait plusieurs chanoines, tant de Liège que de Maestricht, des capitaines, des demoiselles liégeoises, des moines, des religieuses, des conseillers, des ministres, des marchands, des catholiques, des huguenots et des putains. Sur ces bateaux, il y a toujours de ces garces qui ne gagnent leur vie autrement qu’en faisant ces voyages et prenant la fortune qu’elles rencontrent tant que la jeunesse et la beauté durent. En telle assemblée donc nous partîmes de Liège le 31 du mois d’août 1615 passant joyeusement le temps, les uns jouant de quelque instrument de musique, les autres chantant, les autres entretenant les dames et leur contant des sornettes, les autres lisant leurs heures ou récitant leur chapelet.

Entre Liège et Maestricht, en certains endroits, il y a des roches et des montagnes très hautes. De grands creux naturels et des ouvertures artificielles sont accomodées dans ces rochers. Dans ces lieux habitent ceux qui travaillent dans les mines de fer. Ils vivent misérablement là-dedans avec leur famille, tenant autant de la bête que de l’homme tant ils sont contrefaits.
Souvent aussi ce sont voleurs et assassins qui guettent les passants. Quand la Meuse est basse, il y a un chemin tout au long depuis Liège jusqu’à Maestricht : ceux qui passent là sont souvent volés ou meurtris par ces barbares et sauvages ; quand les eaux sont enflées, il faut que cette racaille déloge des cavernes.

« Nous avancions joyeusement distraits par la belle vue du paysage de l’environ et par le plaisir que nous prenions de la pêche du poisson qui se faisait.
« Nous vînmes à passer par une petite ville nommée « Wezet » par certains et plus communément « Visé ». Les édifices y sont de belle apparence, les toits d’ardoises très bleue, il n’y a si misérable bicoque qui n’en soit couverte. On nous dit qu’il y avait en ce lieu grand nombre de riches marchands par le trafic qu’ils font du cuivre rouge et jaune, de la calamine et du fer.

« Comme Visé est à mi-chemin de Liège et Maestricht, ceux qui font ce voyage prennent leur repas quand ils passent à cet endroit. Donc tout en voguant chacun met sur le coffre au milieu de la rouffe ses provisions. Les jours de chair, les uns apportent un chapon, un rôti, des pâtés, des tartes, des gaufres et les jours de poisson chacun y porte diverses sortes de poisson frit, rôti ou accomodé à la daube. Tout est mangé et bu en commun ; trait d’honnêteté qui me plut fort en cette nation.
« Comme la Meuse était peu profonde, les chevaux durent souvent nous tirer. Je fus étonner en voyant la promptitude des chevaux pour rentrer d’eux-mêmes dans la barque ; de même, ils ne font aucune difficulté pour sauter au milieu de la rivière ; sur un cri, ils savent qu’ils doivent tirer fort ou bellement et en général tout ce qui leur est commandé.

« Environ les 6 heures du soir, nous arrivâmes au port de Maestricht ayant mis tant de temps à faire ces 5 lieues de chemin par eau entre les deux villes ».
Notre voyageur n’est pas au bout de ses peines ; il devra encore échapper aux mendiants et aux « caïmans » c’est-à-dire aux voleurs qui en veulent à ses hardes ; éviter maquerelles et putains qui le guettent et se présenter au poste de garde où « 30 mousquetaires tenant leur bâton sur la fourchette sont prêts à tirer ». Enfin il trouvera un gîte à l’hostellerie du Moulinet et dans son lit plein de punaises j’imagine parfois qu’il a murmuré anachroniquement « Amer savoir celui qu’on tire du voyage ».

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[1] Extrait des pages 22 et 23 de la « Petite chronique du Pays de Liège » édité par la RTBF Liège, diffusé dans Liège-Matin au cours de l’année 1980 à l’occasion du millénaire de la principauté de Liège ; ouvrage repris de « Voyage de Philippe de Hurge à Liège et à Maestrect en 1615 et publié en 1872 par H. Michelant », aujourd’hui en téléchargement libre sur internet.


Mis à jour (Mercredi, 17 Juillet 2013 16:16)

 

Commentaires  

 
0 #1 Le Mercure Galant l'évoque aussiLensen Cécile 25-08-2013 22:33
Plus de 50 ans plus tard, les journalistes du Mercure Galant, fondé par Donneau de Visé évoque au moment de la Guerre de Hollande en 1672 la population locale, et :-) la vision que les Français avaient de Visé et de sa région
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